Regards sur l’Inclusion Scolaire des Enfants en Situation de Handicap
Etymologie
« Le mot « handicap » vient du terme anglais « hand in cap » (la main dans le chapeau), en référence à un jeu pratiqué en Grande-Bretagne qui consistait à échanger des biens à l’aveugle dont la valeur était contrôlée par un arbitre qui assurait l’égalité des chances entre les joueurs. » Source
Dans la même optique, « les courses à handicap » de chevaux font porter aux chevaux des poids différents en fonction de leur vitesse. Ainsi on cherche par le « handicap » a ré-établir une égalité entre les participants, récompensant ainsi le cheval qui surmonte le mieux son handicap.
C’est particulièrement intéressant car au contraire d’être péjoratif, le handicap viendrait d’une rééquilibration de l’égalité des chances. Ainsi la personne handicapée est favorisée non pas par compassion mais par nécessité d’équilibre.
Définition (loi du 11 février 2005)
« Toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de la santé invalidant. »
De nouveau, ce qui est intéressant dans cette définition c’est que le handicap ne vient pas de « l’altération » mais bien de l’inadéquation avec la société. C’est donc la société qui définit le handicap en fonction de l’accessibilité et de l’adaptabilité qu’elle propose aux différentes pathologies.
Dans un système éducatif parfait, être dyslexique ne serait donc pas un handicap. La question est donc comment limiter les inadéquations de notre modèle sociétal et ici éducatif avec les différentes pathologies dont peuvent être victime les enfants.
Cette loi pose aussi un principe fondamental selon lequel :
« Toute personne handicapée a droit à la solidarité de l’ensemble de la collectivité nationale, qui lui garantit, en vertu de cette obligation, l’accès aux droits fondamentaux reconnus de tous les citoyens ainsi que le plein exercice de sa citoyenneté ».
Le handicap à l’école
Un aperçu de la situation des enfants en situation de handicap dans le monde
Dans les nations à faible et moyen revenu, la moitié des enfants en situation de handicap ne bénéficient pas d’une éducation formelle. Plus de 40 % des pays en Asie, en Amérique latine et dans les Caraïbes maintiennent encore des systèmes éducatifs séparés pour ces enfants. Les barrières auxquelles sont confrontés les enfants en situation de handicap incluent l’inaccessibilité des infrastructures scolaires, l’inadéquation des ressources et des programmes éducatifs, le manque de préparation des enseignants pour une approche inclusive et la persistance de situations de ségrégation.
Source : Brisons les silos maintenant ! Assurer une éducation inclusive du handicap dans un monde post-Covid, Lyon : Humanité &Inclusion, 2020, 50 p.
Dans le monde, environ 240 millions d’enfants sont confrontés au handicap. Un rapport, basé sur des données provenant de 42 pays, met en lumière l’étendue des privations à travers plus de 60 indicateurs de bien-être, tels que la nutrition, la santé, la protection contre la violence et l’exploitation, ainsi que l’éducation. L’expérience du handicap varie considérablement, les risques et les situations différant en fonction du type de handicap, du lieu de résidence de l’enfant et des services auxquels il a accès. Les enfants en situation de handicap présentent des taux respectivement de 47 %, 33 % et 27 % plus élevés que les autres enfants de non-scolarisation au primaire, au premier cycle et au deuxième cycle du secondaire. Les taux de non-scolarisation sont plus prononcés parmi les enfants touchés par des handicaps multiples.
Source : UNICEF : United Nations Children’s Fund, Seen, counted, included: Using data to shed light on the well-being of children with disabilities, New York :UNICEF, 2021, 176 p.
Bien que l’inclusion ait gagné en importance, les enfants en situation de handicap demeurent parfois exclus, contraints de changer d’école ou privés des ajustements nécessaires et du soutien adéquat. Une étude portant sur des écoles européennes souligne la nécessité de renforcer le soutien et les aménagements en faveur des enfants en situation de handicap. Il est également suggéré de réorienter les politiques vers l’éducation inclusive, en mettant l’accent sur la formation des enseignants et en introduisant davantage de flexibilité dans les programmes scolaires.
Source : LABAKI Lea, « Marche ou crève » : les obstacles rencontrés par les enfants handicapés dans le système des Écoles européennes, New York : Human Rights Watch, 2018, 24 p. (DISPONIBLE DANS LA BOITE A OUTILS)
La situation de l’inclusivité et de l’intégration en France
En 2019, le nombre d’enfants scolarisés s’élevait à 427 800, soit le double du chiffre enregistré en 2004. Parmi ces élèves, environ 70 000 fréquentaient des établissements médico-sociaux, tandis que plus de 7 500 étaient en milieu hospitalier, représentant ainsi un peu moins de 20%. Les presque 500 000 élèves scolarisés en situation de handicap sont accompagnés en France par 27 000 enseignants spécialisés et 132 000 accompagnants, soit une moyenne de 22 élèves par encadrant, au contraire en Italie par exemple, on a 316 000 enfants pour 207 000 professeurs spécialisés et 65 000 accompagnants soit environ 1,5 élève par encadrant.
Il devient évident, dans ce contexte, que de nombreux enfants n’ont pas encore accès à un environnement scolaire ordinaire. Cette réalité soulève la question cruciale de l’intégration et de l’inclusion des enfants handicapés. Dans quelles conditions cette politique d’inclusivité est-elle essentielle et comment peut-elle être mise en place efficacement ?
L’inclusivité à tout prix ?
Ce qu’en pensent les élèves et familles
En se basant sur des entretiens réalisés auprès d’enfants fréquentant des écoles primaires publiques inclusives en périphérie de Tunis, l’auteur explore les attitudes des élèves envers leurs pairs confrontés à des handicaps moteurs, ainsi que la conscience de ces derniers quant à leur statut social et leurs réactions. Il ressort que les attitudes des élèves « valides » sont majoritairement négatives, se manifestant par un rejet social marqué envers leurs camarades en situation de handicap. Ce rejet apparaît plus intense que celui généralement décrit dans la littérature occidentale. Les enfants en situation de handicap réagissent en se retirant socialement, contribuant ainsi à la formation d’un groupe stigmatisé.
Source : AMMAR Mohamed, « Les élèves tunisiens en situation de handicap moteur : entre l’idéal de l’inclusion scolaire et la violence du rejet des pairs », La nouvelle revue –Éducation et société inclusives, 2019, no 87, p. 177-189
De plus en plus d’adolescents présentant un trouble du spectre de l’autisme (TSA) fréquentent les établissements secondaires ordinaires en France et au Québec. Cependant, rares sont les études qui ont pris en compte le point de vue des adolescents sur les différents aspects de leur inclusion scolaire. Cet article se focalise sur l’expérience des élèves francophones du secondaire ayant un TSA en matière d’intégration sociale. Il élabore des profils relatifs à leur perception d’eux-mêmes et à leurs représentations de l’amitié, tout en explorant les facteurs individuels et environnementaux liés à ces modes d’adaptation. L’importance de comprendre les relations amicales et leur impact sur la perception de soi est soulignée, et les effets bénéfiques de la participation à un groupe d’entraînement aux habiletés sociales sont mis en évidence.
Source : AUBINEAU Morgane, BLICHARSKA Teresa, KALUBI-LUKUSA Jean-Claude,« Perception de soi et des relations d’amitié des adolescents présentant un trouble du spectre de l’autisme intégrés au secondaire ordinaire. Regards d’élèves, en France et au Québec », Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence, 2018, vol. 66,no 2, p. 90-102
En se basant sur des entretiens réalisés auprès d’adolescents et de leurs parents, cet article examine l’expérience scolaire des jeunes québécois souffrant d’un trouble développemental du langage. Malgré quelques expériences d’affiliation significatives, ces jeunes traversent de nombreuses situations indiquant une fragilisation de leurs liens à l’école et avec les autres, ainsi qu’une intériorisation des attentes et normes véhiculées dans le milieu scolaire. Les participants rapportent que différents facteurs environnementaux, de nature organisationnelle et pédagogique, semblent jouer un rôle crucial dans la formation des obstacles liés à la sphère sociale.
Source : BERGERON Léna, BERGERON Geneviève, TARDIF Suzie, « L’expérience scolaire du point de vue de jeunes ayant un trouble développemental du langage et de leurs parents : l’influence de facteurs scolaires environnementaux dans la fragilisation des liens aux autres et à l’école », Revue des sciences de l’éducation de McGill, 2019,vol. 54, no 2, p. 265-283
En se penchant sur les expériences de parents australiens ayant des enfants identifiés comme présentant des déficiences « graves et multiples » ou « profondes », l’auteure examine les implications de l’inclusion et de l’exclusion, tant au sein du système éducatif qu’en dehors, pour ces familles. Celles-ci soulignent à la fois l’importance de l’éducation inclusive et la nécessité d’un soutien adapté aux besoins spécifiques de chaque enfant. Elles partagent des expériences d’exclusion, mettant en lumière le sentiment de n’avoir eu d’autre choix que de « choisir » des environnements et des activités séparés pour leurs enfants.
Source : COLOGON Kathy, « Is inclusive education really for everyone? Family stories of children and young people labelled with “severe and multiple” or “profound disabilities” », Research Papers in Education, 2022, vol. 37, no 3, p. 395-417
L’inclusion se présente comme un outil puissant pour prévenir la marginalisation des élèves et l’affaiblissement des structures de soutien et d’accompagnement. Il est indéniable que promouvoir la scolarisation des enfants en situation de handicap doit être une priorité. Cependant, la manière dont cette inclusion est appliquée revêt une importance cruciale, car elle peut elle-même conduire à l’exclusion des élèves en raison de leurs différences. Une mise en œuvre réussie de l’inclusion doit être axée sur les expériences des élèves et des parents, évitant ainsi de mettre en avant les distinctions et, au contraire, utilisant l’inclusion comme un moyen de renforcer le système éducatif en mettant davantage l’accent sur les besoins spécifiques de tous les enfants.
Les dispositifs, pratiques et recommandations de la littérature scientifique
Les élèves atteints de troubles d’apprentissage (TA) représentent 34 % des élèves en situation de handicap aux États-Unis. À travers une série d’entretiens, cet article explore comment ces élèves identifient, comprennent et utilisent les soutiens à leur disposition pour assurer leur réussite. Il met en lumière l’importance du soutien des enseignants, du soutien individualisé, du soutien extrascolaire, de l’expertise des conseillers et du soutien émotionnel. L’article souligne également l’efficacité de la collaboration entre la famille et l’école, l’importance d’un soutien familial discret, ainsi que diverses formes d’autonomisation.
Source : CONNOR David, CAVENDISH Wendy, HALLARAN Armineh et al., « “I’m bright enough to do it, even though sometimes I feel I can’t do it”: Perspectives of high school students with learning disabilities about existing supports to achieve graduation », Disability Studies Quarterly, 2020, vol. 40, no 2
Cet article réalise une comparaison entre les dispositifs inclusifs de trois établissements transfrontaliers situés en France et en Espagne. Selon les auteurs, le dispositif français semble générer des formes de prise en charge des élèves en situation de handicap qui se développent en dehors du cadre de l’institution scolaire ordinaire, notamment au sein de « classes à part ». Cette situation remet en question l’adéquation même du dispositif avec les principes fondamentaux d’une éducation inclusive. La comparaison des pratiques au sein des trois établissements transfrontaliers met en évidence un besoin de formation des enseignants sur les questions liées à l’éducation inclusive, ainsi qu’une nécessité de professionnalisation des accompagnants d’élèves ayant des besoins éducatifs particuliers.
Source : AMIAMA José, REYDY Carine, URRUTY Patrick, « L’ULIS : dispositif ou classe à part entière ? Réflexions transfrontalières entre enseignants spécialisés de France et d’Espagne », Spirale – Revue de recherches en éducation, 2020, no 65-1, p. 13-26
L’inclusion figure parmi les priorités énoncées dans les discours politiques, tant au sein de la sphère médiatique que de la société civile, aussi bien en France que dans d’autres pays. Ce dossier se penche sur des parcours inclusifs non pas par une simple description en tant qu’observateur externe à la troisième personne, mais plutôt par une compréhension approfondie en adoptant la perspective de la première personne. Il explore les dispositifs et les pratiques qui remettent en question la pédagogie traditionnelle afin de mieux prendre en compte les besoins particuliers des élèves, ainsi que les enjeux de la formation. Enfin, le dossier met en lumière la manière dont des collectifs de travail abordent ou devraient aborder les situations éducatives et scolaires pour proposer des démarches entre la « ré-invention » du quotidien et une préoccupation éthique.
Source : BEDOIN Diane, LEMOINE Maryan, ZOIA Genevièbe (2022), « Comprendre les parcours inclusifs », Éducation et socialisation. Les cahiers du CERFEE, 2022,no 65
Bien que la scolarisation des enfants en situation de handicap ait progressé en France, environ 20 % des saisines du défenseur des droits liées aux droits de l’enfant concernent encore des difficultés d’accès à l’éducation. La principale problématique réside dans l’accompagnement humain, généralement assuré par les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH). Trop souvent, le système scolaire demande encore aux enfants handicapés de s’adapter. Les recommandations du rapport pour une école véritablement inclusive et non discriminatoire incluent une meilleure formation de l’ensemble des acteurs de l’éducation nationale pour favoriser l’accueil, garantir des aménagements effectifs de la scolarité et instaurer des temps de formation communs entre les enseignants et les professionnels du secteur médico-social.
Source : Défenseur des droits, L’accompagnement humain des élèves en situation de handicap, Paris : Défenseur des droits, 2022, 35 p.
Les articles présentent diverses méthodes, aides et dispositifs visant à favoriser le développement des capacités cognitives et des compétences disciplinaires des élèves en situation de handicap en France et en Belgique. Ils partent de la désignation institutionnelle des élèves en fonction de leurs problèmes de santé pour illustrer comment les professionnels adaptent les conditions d’apprentissage afin de créer des situations favorables à leur épanouissement. Que ce soit à travers des techniques de remédiation cognitive, la configuration d’outils numériques, l’enrichissement interactif ou l’ouverture au monde, les pratiques exposées tendent à désinsulariser ces élèves en développant leurs capacités d’accès au patrimoine scolaire et social commun.
Source : FEULLADIEU Sylviane, GOMBERT Anne, ASSUDE Teresa (sous la direction de)« Handicap et apprentissages scolaires : conditions et contextes », Recherches en éducation, 2015, no 23, p. 3-105
La collaboration entre l’école et des partenaires extérieurs, tels que les acteurs sociaux et les parents, pour lutter contre l’échec et le désintérêt scolaires, tout en favorisant l’inclusion de tous les élèves, a été l’objet de plusieurs recherches récentes. Elle est également encadrée par des directives officielles, tant à l’échelle européenne que française. Cependant, une enquête menée auprès de professeurs des écoles stagiaires révèle que leurs besoins ne sont pas suffisamment comblés par la formation initiale. Des suggestions sont avancées pour orienter la formation initiale et continue des enseignants, les aidant ainsi à développer des pratiques collaboratives plus efficaces.
Source : KHASANZYANOVA Albina, NICLOT Daniel, « Former les enseignants aux pratiques collaboratives et au partenariat pour inclure tous les élèves », Spirale – Revue de recherches en éducation, 2020, no 65-2, p. 39-49
L’école inclusive représente un droit essentiel, garantissant le respect du principe fondamental d’égalité des chances. Fruit de la collaboration entre divers acteurs du terrain de l’école inclusive, cet ouvrage offre des outils pratiques et des suggestions pragmatiques aux enseignants qui accueillent des élèves en situation de handicap au sein de leur classe.
Source : PARIENTE Victoria (sous la direction de), Scolarité des élèves en situation de handicap et pratiques inclusives : pour une école qui s’adapte aux différences, Paris : L’Harmattan, 2022, 358 p.
Les recherches en éducation démontrent l’existence de nombreuses opportunités pour améliorer notre système éducatif, notamment en ce qui concerne l’inclusion et le bien-être des enfants en situation de handicap. Les recommandations relatives à la formation des enseignants et à l’adaptation des structures éducatives indiquent des avancées, cependant, il est clair que sans une volonté politique plus affirmée, ces changements demeurent souvent circonscrits à des situations exceptionnelles plutôt que de constituer un système global.
Vincent Nolay, atelier Cours Pi
